Camille Cardona est Chargée des publics et de la programmation, à la mission Pays d’art et d’histoire Santerre Haute Somme, au sein du Pôle d'Equilibre Territorial et Rural du Cœur des Hauts-de-France.
Dans le cadre de sa participation au programme "Sciences pour Toutes et Tous" (SPTT) coordonné par Ombelliscience,
Camille Cardona a été interviewée par l’association le 4 juillet au sujet de sa démarche et son cheminement pour aller vers davantage d’inclusion dans ses pratiques professionnelles.
Candice Gaudefroy (CG) pour Ombelliscience : Pouvez-vous présenter votre structure en quelques mots et expliquer en quoi elle a un lien avec la culture scientifique ?
Camille Cardona (CC) : Le PETR Cœur des Hauts-de-France est une structure administrative qui travaille pour les 3 Communautés de communes de l’est de la Somme, à savoir Terre de Picardie, Haute-Somme et Est Somme, pour un total de 144 communes. On est un territoire rural, très grand. La mission Pays d’art et d’histoire est un label national donné par le ministère de la culture. Le PETR a candidaté à ce label en 2021, et l’a obtenu. L’enjeu du label est de mettre en place des actions de médiation, envers les publics, pour le Pays d’art et d’histoire. La cible principale étant le public habitant actuellement. Pour nous, dans la mise en valeur du patrimoine, il y a plusieurs thématiques. L’histoire forcément, mais aussi le patrimoine industriel avec notamment les vestiges d’usines qui ont été reconstruites après la 1ère guerre, dont celle très connue de l’usine Saint-Louis Sucre (classée monument historique il y a quelques années). Mais aussi tout ce qui est de l’ordre des énergies renouvelables (avec les actions de médiation sur l’éolien, très présent sur notre territoire), ainsi que tout ce qui est de l’ordre de l’agriculture (par exemple le patrimoine paysager, en lien avec les sols, la biologie, la Somme qui traverse notre territoire,…). Ce sont des thématiques que l’on a pu mettre en valeur par le passé.
CG : C’est quoi pour vous l’inclusion en général ?
CC : Pour moi, c’est essayer de réfléchir et faire en sorte que ces projets puissent s’adresser à un nombre important de publics, et très diversifiés. Et aussi de modifier notre façon de penser dans les institutions culturelles, de créer des choses avec et pour le public, et d’essayer de modifier notre manière de travailler pour rendre nos structures culturelles plus ouvertes.
CG : Selon vous, les sciences sont-elles naturellement inclusives ? Pourquoi ?
CC : Je pense que les sciences peuvent être naturellement inclusives, c’est plus l’accès aux sciences et le système mis en place (plutôt scolaire), qui eux sont excluants. C’est la manière d’apporter les connaissances qui elle, est excluante, et qui est à modifier pour rendre les sciences plus inclusives.
CG : Au sein de votre structure, quel a été le 1er pas concret pour être dans une démarche plus inclusive ?
CC : Déjà faire partie de la formation. Pour ma part, SPTT depuis 2 ans, ça été de questionner mes pratiques, se former également sur les diverses questions à l’inclusion et elles sont vraiment multiples. On ne se rend pas forcément compte de tout ce qui peut être mis sous le mot « inclusion ». Ensuite, c’est d’en parler avec ses collègues de travail, de mettre en place des formations. C’est ce qu’on a fait avec Marie et Arnaud l’hiver dernier avec les journées de formation. C’est aussi d’essayer de faire des tests sur des sujets. Nous, ce qu’on a essayé de mettre en place, c’est une navette culturelle l’année dernière. On a mis ensuite ce projet en partenariat avec le centre social de Ham, notamment pour les Journées européennes du patrimoine l’an dernier, lors de la soirée d’inauguration que l’on a chaque année. Leur accompagnatrice est venue avec leur minibus et les personnes bénéficiaires du centre social. Cette année, la démarche mise en place a porté sur l’enquête scientifique menée par l’Agence Phare, sur la trame de Clémence Perronnet. On s’est tournés vers le Centre social de Ham, et on a pu mener un entretien de groupe sur la base de la trame qui avait été fournie. Il nous a donné des premières réflexions, qui ont été transmises à Clémence Perronnet pour avoir l’analyse (en septembre). Pour nous ce qui va être important, c’est de continuer dans cette réflexion sur tout ce qui est de l’ordre de la navette culturelle et de la mobilité. Notre territoire est très large, il y a beaucoup de freins liés soit à la mobilité (manque de moyens de transports), ou soit psychologiques (déplacements trop longs pour certains publics selon les distances). On va continuer notre travail avec le Centre social de Ham, et aussi entamer une réflexion avec la MEEF (ancienne Mission locale) qui se pose également ces questions sur la mobilité. Dans l’idée de proposer des activités culturelles et scientifiques sur le territoire, et voir ce qui peut fonctionner en termes de mobilité pour que ces publics viennent à nous, et faire bouger à l’intérieur du territoire du Pays d’art et d’histoire.
CG : Que vous a apporté l’accompagnement par Ombelliscience et le collectif de professionnel·les qui se forment à vos côtés dans le programme "Science pour toutes et tous" ?
CC : Il y avait une super dynamique de groupe. Le fait d’être plusieurs, de pouvoir partager nos points de vue et nos difficultés face à la question, ça change tout. C’était vraiment agréable d’avoir ces moments d’échange, de voir qu’on n’est pas seul à se poser certaines questions, et de comprendre, au fil de l’avancée de nos projets, ce qui peut bloquer ou au contraire faire avancer.Ça permettait de confronter nos idées, de discuter de situations concrètes, et de s’enrichir mutuellement avec des bonnes pratiques et des points de vue différents. Il y a eu plein d’échanges très riches, on ne peut qu’avancer dans notre réflexion après ça. Et puis, il y avait aussi tout le contenu des journées de formation, surtout grâce aux intervenants. Là encore, les échanges étaient super intéressants. On a rencontré des personnes qu’on n’aurait jamais croisées autrement, et ça a vraiment apporté quelque chose en plus.
CG : Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment… À votre niveau, au sein de votre structure, et au niveau de l’accompagnement proposé par Ombelliscience ?
CC : Je pense que j’aurai préféré faire l’étude et l’entretien plus en amont, pour avoir un premier constat. Et après, c’est plus difficile car notre territoire est très large, mais en faire plus d’un serait mieux. En tout cas, c’est quelque chose que j’ai envie de continuer à faire, d’essayer de mettre en place des entretiens.
Publié le 22 juillet 2025
Ombelliscience coordonne depuis 2023 la formation-action "Sciences pour toutes et tous en Hauts-de-France" (SPTT), avec le soutien de la DRAC et de la Région Hauts-de-France. Des formations, échanges et rencontres au sujet de l’inclusion en médiation scientifique continuent de se mettre en place.
Les 8 juillet à Villeneuve-d’Ascq et 10 juillet à Amiens, Héléna Salazar et Solenn Bihan ont animé la formation "La facilitation graphique au service de l’inclusion" pour les participant·es du programme SPTT. Les 20 personnes présentes se sont d’abord initiées aux techniques d'écriture mais aussi de dessins afin de se constituer une petite bibliothèque avec une dizaine de pictogrammes de base facilement et rapidement mobilisables pour débuter.
Pour réussir sa facilitation graphique, de nombreux outils et conseils ont été listés et prodigués pour les participant·es dont le filtrage primordial des informations, la spatialisation et la hiérarchisation des idées en utilisant des connecteurs, des cadres, des ombrages et des couleurs, l’importance d’illustrer sa création avec des personnages simples (représentés par des formes géométriques) exprimant des émotions.
Les professionnel·les en formation ont enfin été invités à mettre en pratique les éléments fraîchement enseignés en réalisant des affiches "canevas" (= template) qui permettent de faciliter et d’animer des temps d’échanges collectifs avec des participant·es de tous horizons. Le template est un outil d’animation visuel sous forme d’affiche pré-dessinée composée de “zones” à remplir par les participant·es et qui permet dans l’idéal de faire émerger et de recueillir les idées de toutes et tous. Pour cet exercice, les formatrices leur ont proposé de travailler en petits groupes à partir de 2 cas concrets : le Centre Historique Minier et le dispositif "l'art d'accéder à l'emploi" et l’organisation d’un focus group (entretien collectif) avec des personnes exclues des sciences par l’association À petits PAS. Chaque groupe a ensuite présenté son template aux autres groupes en donnant les consignes pour le remplir comme si ils·elles étaient en situation réelle face à un public. De belles productions ont été créées !
Rendez-vous en octobre en visio pour le dernier temps de cette formation qui permettra de faire le point sur les réalisations concrètes mises en œuvre par chacun·e !
Le congrès de l’AMCSTI, temps fort du réseau national de culture scientifique, technique et industriel (CSTI), s’est tenu à Orléans du 30 juin au 2 juillet sur le thème "Cultiver la curiosité, façonner les futurs".
460 participant·es venu·es de toute la France se sont retrouvés pour trois jours de conférences, d’ateliers, de parcours thématiques, de discussions inspirantes et de soirées conviviales.
De multiples fois lors de ce congrès, la question de l’inclusion a été au centre des échanges et Ombelliscience est intervenue à plusieurs reprises pour parler de ce sujet, du programme SPTT et également du programme de mentorat sur l’inclusion porté par l’Amcsti. + d’infos
Inscription avant le 5 septembre 2025 via ce formulaire.
Pourquoi certaines personnes ne viennent pas dans un musée de sciences, ou dans une activité scientifique ? Que font-elles de leur temps libre ? Quel est leur rapport aux sciences ? Quelle offre de culture scientifique les intéresserait ?
Ces questions ont guidé l'enquête sur les publics non fréquentant des lieux et actions de CSTI, développée dans le cadre de SPTT en 2025.
Pilotée par Ombelliscience, cette enquête a bénéficié de l'expertise de Clémence Perronnet et Paul Neybourger, sociologues de l'Agence Phare, qui en présenteront les principaux résultats. Elle a également compté sur l'implication active de 5 professionnelles participantes du programme Sciences Pour Toutes et Tous, qui ont été à la rencontre d'habitant·es du territoire, fréquentant des lieux socio-culturels, notamment dans des zones rurales.
2ème RDV inclusion Graineterie, date reportée, sera communiquée prochainement (réservé aux salarié·es de la Graineterie)
4ème regroupement régional les 24 & 25 novembre (réservé aux participant.es SPTT)
Il·elles participent au programme SPTT et développent des actions pour aller vers davantage d’inclusion dans leurs pratiques professionnelles. Ombelliscience les a interviewé·es au sujet de leur démarche et leur cheminement.
Découvrez leurs témoignages :
Publié le 17 juillet 2025
Dorçafe Mezouar est chargée d'appui aux projets territoriaux au Forum départemental des sciences, situé à Villeneuve-d'Ascq (59). Dans le cadre de sa participation au programme "Sciences pour Toutes et Tous" coordonné par Ombelliscience, Dorçafe Mezouar a été interviewée par l’association le 20 juin au sujet de sa démarche et son cheminement pour aller vers davantage d’inclusion dans ses pratiques professionnelles.
Candice Gaudefroy (CG) pour Ombelliscience : Pouvez-vous présenter votre structure en quelques mots et expliquer en quoi elle a un lien avec la culture scientifique ?
Dorçace Mezouar (DM) : Le Forum départemental des sciences est un CSTI, un centre de culture scientifique, technique et industrielle. Il a donc vocation à promouvoir la diffusion de la CSTI et développer la politique culturelle du département (via le projet de direction). Il participe également aux opérations nationales, comme la Fête de la science. Il créé et diffuse des produits culturels : expositions, outils itinérants et ressources culturelles.
CG : C’est quoi pour vous l’inclusion en général ?
DM : Pour moi, c’est faciliter l’inclusion des publics qui sont exclus / empêchés de façon générale (au niveau des exclusions sociales). La définition, ce serait d’aller vers ces publics et de faciliter leur accès à notre centre culturel, en rendant le contenu accessible et la visite possible. Donc finalement, c’est lever les freins de ce manque d’accessibilité, être dans l’échange, dans l’écoute active : transformer en acte les besoins exprimés par ces publics.
CG : Selon vous, les sciences sont-elles naturellement inclusives ? Pourquoi ?
DM : Naturellement inclusives, j’ai envie de dire oui et non. Je pense qu’elles tendent à l’être davantage si on prend le sujet au sens de l’ "actualité".
Elles le sont naturellement, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de science qui peut être exclusive. Je pense que la connaissance et la transmission sont universelles et donc les sciences sont accessibles à toutes et tous. Maintenant, le poids de l’histoire et de l’actualité a voulu que, dans la conception et les projections des idées reçues sur les sciences, elles soient perçues comme élitistes et excluantes.
Mais il y a actuellement, et cette formation en est la preuve, cette volonté de vouloir changer la perception de ces idées reçues.
CG : Avant vos expérimentations dans le cadre du programme "Science pour toutes et tous" d’Ombelliscience, quels étaient concrètement les freins observés ?
DM : Nous sommes un équipement départemental et l’accompagnement des personnes appartenant aux catégories de publics exclus / empêchés fait partie des missions du département (soit par la MDPH, ou des services comme les Maisons Nord Solidarité / Nord Emploi). C’est donc un public que l’on peut potentiellement déjà toucher via nos collègues d’autres directions générales (Enfance Famille et Retour à l’Emploi).
Les freins, concrètement, c’était de trouver ce public et palier le sujet du coût financier : le tarif au Forum départemental des sciences avait augmenté.
La question du coût financier est par exemple moins problématique aujourd’hui, puisque l’on a des gratuités dans le cadre du partenariat entre l’action sociale et le Forum départemental des sciences (cf question ci-dessous). Il y a une vraie volonté politique du département d’accompagner les Nordistes à l’accessibilité culturelle (tout comme à l’accessibilité à l’emploi, etc…).
CG : Au sein de votre structure, quel a été le 1er pas concret pour être dans une démarche plus inclusive ? Et que vous a apporté le programme "Science pour toutes et tous" ?
DM : Le projet de partenariat entre la DGAEFS (Direction Générale Adjointe Enfance, Famille, Santé) et le Forum départemental des sciences, qui a été initié en 2021 et dont l’objectif était d’être à l’écoute et tisser des liens avec les services de l’action sociale.
L’idée était de créer un partenariat qui s’inscrit dans la durée, et c’est effectivement le cas puisque nous sommes sur la 4e année du projet. On commence à avoir des événements qui deviennent réguliers.
Il y avait déjà un travail qui était amorcé auparavant, mais c’était plus des à-coups. Avec ce projet, on était vraiment dans l’idée d’initier quelque chose qui soit pérenne et qui se construise dans le temps pour toucher les publics de l’action sociale et en les intégrant notamment dans des dispositifs qui existent déjà (comme "les rencarts avec la science" (rendez-vous gratuits) et l’appel à projets (diffusion de l’offre culturelle sur le territoire au plus près des habitants)). On a vraiment travaillé une proposition d’action culturelle qui soit autant dans les murs qu’hors les murs, à proximité et en « allant vers » les publics exclus.
Le second projet qui a émané de la formation-action, c’est la création d’un groupe projet inclusion, interne, pour réfléchir sur nos pratiques professionnelles. On réinterroge nos façons de travailler, de penser la conception des expositions, la signalétique, les cartels…sous l’angle de la démarche inclusive. Tous ce qui nous a été présenté en formation, m’a permis d’intégrer ces éléments dans le groupe projet. Ça change aussi notre façon de penser notre métier.
CG : Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment… À votre niveau, au sein de votre structure, et au niveau de l’accompagnement proposé par Ombelliscience ?
DM : Personnellement, je ne changerai rien. J’ai trouvé la formation très complète, on a bénéficié d’un vrai support de ressources et de veille documentaire. Marie, Arnaud et toute l’équipe d’Ombelliscience se sont toujours mis à disposition. Nous avons été très bien encadrés et accompagnés dans cette démarche.
Sur mon projet, j’étais déjà dans cette démarche d’inclusion, mais la formation m’a permis de prendre plus de recul sur ma façon de faire les choses.
Ce temps de formation a été un moyen d’avoir une vraie prise de recul, de pouvoir analyser ma façon de travailler et me dire "je fais un vrai pas de côté". J’observe ma façon de faire : est-ce qu’elle correspond à l’objectif attendu ?
Prendre ce temps a été très bénéfique, ma façon de travailler a changé (depuis la formation) et c’est ce que j’essaie aussi de transmettre à mes collègues. Même s’ils sont déjà sensibles à la question d’inclusion, ce temps de réflexion collectif est vraiment important.
Et aussi la formation, dans le sens "animation de réseau", a été l’occasion de rencontrer d’autres collègues du milieu et d’horizons différents. Ça m’a permis de voir que mes difficultés sont à relativiser par rapport aux autres. Entendre leur difficulté, avoir un temps de partage et d’échange, ça alimente, crée des idées, une communauté, une énergie collective.
C’était vraiment très bénéfique, je prolongerai même dans le temps par rapport au relais pour mes collègues, cela va susciter des questionnements. Et ces questionnements auront besoin d’être encadrés, développés dans un cadre. Et ce cadre, c’est la formation SPTT. C’est sécurisant car on peut ne pas se sentir légitime, à parler d’inclusion ou à porter une idée, et c’est dans le cadre SPTT que l’on a pu trouver des réponses.
Publié le 15 juillet 2025