Marie-Anne Cohuet est Chargée de développement et de communication pour la régie de quartier Activ’Cités à Grenay (62). Dans le cadre de sa participation au programme "Sciences pour Toutes et Tous" coordonné par Ombelliscience, Marie-Anne Cohuet a été interviewée par l’association le 15 mai au sujet de sa démarche et son cheminement pour aller vers davantage d’inclusion dans ses pratiques professionnelles.
Candice Gaudefroy (CG) pour Ombelliscience : Pouvez-vous présenter votre structure en quelques mots et expliquer en quoi elle a un lien avec la culture scientifique ?
MC : Activ’Cités est une régie de quartier, c’est une association qui œuvre pour l’emploi et pour le lien social au sein d’un quartier (ici sur l’ensemble de quatre communes : Grenay, Bully-les-Mines, Mazingarbe et Sains-en-Gohelle). Les activités principales sont l’insertion par l'activité économique et l’amélioration du cadre de vie.
En tant que régie de quartier, un de nos rôles est de pouvoir rendre accessible toute la culture, le sport, l’accès au droit, la santé… On travaille vraiment sur ces axes-là. Dans ce cadre, on mène des actions pour que le public puisse accéder à la culture scientifique. C’est pourquoi nous avons rejoint le programme "Sciences pour Toutes et Tous".
CG : C’est quoi pour vous l’inclusion en général ?
MC : C’est un vaste sujet. L’inclusion c’est que chaque personne puisse se sentir légitime d’accéder à toutes ces activités, et que cela soit possible.
CG : Selon vous, les sciences sont-elles naturellement inclusives ? Pourquoi ?
MC : Je pense qu’elles pourraient l’être, et à portée de toutes et tous. Mais il y a des mécanismes qui ont fait qu’elles se sont retrouvées exclusives, et c’est bien dommage. Donc naturellement, je ne sais pas. En tout cas, elles pourraient l’être avec un travail et un engagement de la part des acteurs et actrices de la culture scientifique.
CG : Que vous a apporté l’accompagnement par Ombelliscience et le collectif de professionnel·les qui se forment à vos côtés dans le programme "Science pour toutes et tous" ?
MC : Beaucoup de choses. Déjà, la connaissance sur comment mener un focus group (entretien collectif) auprès des habitants sur un thème très particulier. Et au-delà de ça, ça nous a mené dans des lieux de médiation scientifique.
Nos focus group, menés au sein de notre structure, s’adressent à nos salariés en parcours d’insertion. Un public globalement précaire avec différents freins à l’emploi, à la culture, au sport… Grâce à ces projets, on a pu recueillir leurs idées et leurs envies, et organiser une sortie au Centre Historique Minier de Lewarde (59). Parce que nos salarié·es ont émis un vrai intérêt pour l’histoire technique du territoire. On est basés dans le bassin minier, donc il y a un fort attachement à notre territoire et à l’histoire de nos familles, de nos grands-parents et arrière-grands-parents qui ont travaillé dans les mines. Et comme Lewarde centralise vraiment l’histoire de leurs vies et leur travail, ça a été une excellente expérience pour nos salarié·es et les habitant·es que l’on a emmenés.
Le programme nous a permis d’identifier les freins, notamment la mobilité et le coût des activités. Et donc en tant que régie de quartier, on a pu organiser ce projet en cohérence avec ces observations : on a réservé un bus, payé les entrées et c’est ainsi qu’on a amené 50 personnes dans un lieu de culture scientifique.
CG : Au sein de votre structure, quel a été ou quel serait le 1er pas concret pour être dans une démarche plus inclusive ?
MC : Le premier pas c’est d’en parler. Au sein des équipes, de pouvoir poser des mots sur ce sujet. Dans nos corps de métier, l’inclusion est au cœur de notre travail. Et pour le coup, l’aspect scientifique est un sujet qui n’était pas encore arrivé sur la table. En fait, c’était super intéressant. C’est de cette façon aussi que l’on a pu participer à la Fête de la science.
CG : Avez-vous rencontré certaines difficultés dans la mise en place de cette démarche ?
MC : Pour moi la difficulté aujourd’hui, c’est le maillage territorial. Dans le sens où il faudrait qu’il y ait des structures qui fassent l’intermédiaire, qui percent les sphères des milieux. Comme nous sommes régie de quartier, on va à Ombelliscience, on sort un peu de notre sphère de l’action sociale pour aller vers des structures de la culture, des sciences. Il faut qu’il y ait des structures de ces sphères-là, qui viennent vers l’action sociale, vers l’insertion, et vers tous les acteurs de l’hébergement, le handicap, ceux qui luttent contre la précarité… Je pense que c’est ça la difficulté.
CG : Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment… À votre niveau, au sein de votre structure, et au niveau de l’accompagnement proposé par Ombelliscience ?
MC : Je pense qu’on mènerait des focus group beaucoup plus souvent. Pour le moment, on en a mené un au sein de notre structure, et des chercheurs sont intervenus. Je pense qu’on irait nous-mêmes, directement, dans les résidences et chez nos partenaires.
S’il y avait quelque chose à faire différemment ce serait de le faire à plus grande échelle. Et pour moi, le programme a énormément de sens. Il faut qu’il soit poursuivi, étendu et pérennisé. Car il y a encore beaucoup de travail et on l’a vu lorsqu’on est intervenu à Amiens. Il y a une vraie demande des professionnel·les de la médiation scientifique et de la culture, de vraies interrogations. L’enjeu serait de voir plus grand.
CG : Un point à rajouter ?
MC : Peut-être évoquer le fait que les acteurs du programme, celles et ceux qui se sont engagés, vont travailler à la diffusion d’un livrable. Ce qui permettra vraiment de valoriser toutes ces méthodes et pratiques développées à l’issue du projet. C’est un projet important car il permettra de faire la promotion du programme dans sa globalité.
(c) Activ'Cités
Publié le 28 mai 2025
Ombelliscience coordonne depuis 2023 la formation-action "Sciences pour toutes et tous en Hauts-de-France" (SPTT), avec le soutien de la DRAC et de la Région Hauts-de-France. Plusieurs rencontres, webinaires et formations au sujet de l’inclusion en médiation scientifique continuent de se mettre en place.
Le 9 avril, à Roubaix, les coordinateurs de SPTT et une collègue de professionnelles impliquées ont rencontré l’équipe et les jeunes impliqués dans le Labo 148. Le Labo 148 est un projet porté par la Condition publique, qui propose aux jeunes de quartiers populaires de s’emparer des médias et du journalisme pour prendre part au débat public. Une manière de faire "avec" et non "pour ni sans" les personnes concernées et d’ouvrir les récits médiatiques à d’autres vécus.
Le Labo c’est un espace de vie ouvert à toutes et tous, sans inscription ni obligation de participation. Un lieu où "tu viens comme tu es", où le groupe s’autorégule en grande partie et où toutes et tous peuvent participer aux décisions. L’espace est équipé de postes informatiques, de matériel audiovisuel, d’un studio photo et vidéo, d’un banc de montage. Les jeunes peuvent s’y rassembler et trouver les ressources nécessaires à la production de leurs sujets.
Une expérience inspirante pour Ombelliscience sur la manière de faire participer des personnes souvent exclues des récits médiatiques. Et où le verbe "participer" au triple sens de "prendre part", "apporter une part" et "recevoir une part" s’incarne réellement.
Le 6 mai à Laon, Ombelliscience s’est rendue aux "Rendez (vous) nous de la culture" organisés par l’association Petits Gros Mots qui travaille avec les premiers et premières concernées par les exclusions culturelles en développant des pratiques inspirantes d’"aller vers" et des manières de "faire culture depuis, par et avec les personnes". L’association anime notamment un espace de vie sociale au cœur du quartier populaire Champagne de Laon et a pour outil principal l’atelier d’écriture.
Ce rendez-vous a été l’occasion de restituer 3 années d’action culturelle menée avec des personnes de divers milieux sociaux dans le cadre d’un projet financé par la Fonds d’Innovation Territoriale de la DRAC Hauts-de-France. Cette restitution a pris la forme d’un spectacle devant plus de 300 spectateurs·trices. Une cinquantaine de personnes est montée sur scène pour raconter ce que l'action culturelle fait à celles et ceux qui la vivent ou l’animent. Le format était inédit puisqu’il mettait à égalité dans les prises de paroles autant les habitant·es qui ont participé à ces actions, que les professionnel·les qui les ont coordonnées, les élus et les financeurs.
Cette restitution nous a invité à un renversement de regard et nous a mis dans la peau du "public éloigné".
Un nécessaire enseignement pour Ombelliscience et la communauté de professionnel·les qui cheminent depuis 3 ans sur les voies de l'inclusion en culture scientifique dans le cadre du programme SPTT.
-Le 15 avril, 5 participant.es SPTT ont participé à une visio animée par Amanda Dacoreggio, chargée d’observation et d’évaluation chez Ombelliscience, pour échanger sur la construction d’un questionnaire adapté à une démarche d’inclusion.
Les objectifs de ce webinaire : se poser les bonnes questions au départ pour construire son enquête, comprendre les limites du questionnaire, avoir quelques pistes pour construire son questionnaire et l’adapter en tenant compte du public auquel il s’adresse.
Les différents sujets abordés ont permis de resituer le questionnaire dans une démarche d’ensemble : celle qui consiste à utiliser un moyen de collecte de données (le questionnaire) pour interroger et interagir avec des publics. Pour tendre vers plus d’inclusion, il s’agit de questionner les choix méthodologiques qui sont faits à chaque étape de ce processus. Et de questionner ce qui motive ces choix, en situant l’intérêt des publics et les contraintes de l’enquêteur.trice.
Par exemple, les avantages et inconvénients entre un questionnaire en autopassation (la personne répond seule à son questionnaire) ou en passation guidée (l’enquêteur.trice accompagne la personne interrogée) ont été soulevés : si la passation guidée est chronophage pour l’enquêteur.trice, elle permet d’établir un lien plus qualitatif avec la personne interrogée et lever certains freins.
-Le 29 avril en visio, Pauline Eblagon, chargée de projets Biodiversité à l’association A Petits Pas, a témoigné sur la gouvernance partagée mise en place dans l’association. Pauline a tout d’abord expliqué les différentes activités de l’association puis son fonctionnement. L’organisation de l’association s’articule autour de 8 pôles d’activités. Tous ces pôles sont gouvernés ensemble : l’ensemble des 20 salari·é·e·s prennent part aux décisions grâce à un schéma de gouvernance très structuré. D’autres temps d’échanges et de régulation sont aussi mis en place pour les nouvelles personnes arrivantes dans l’équipe (groupe de tutorat, groupe de compagnonnage, journée de perspectives).
Julien Rousseau, chargé de développement des publics et référent des publics spécifiques à l'Ecomusée de Fourmies, a ensuite partagé son expérience sur le développement de l'inclusion au sein de sa structure. Julien a expliqué qu’il avait bénéficié d’un contexte propice au développement des missions de son poste du fait de l’implantation de l’association Traits d’Union (association engagée pour les enfants, adolescents et adultes en situation de handicap ou rencontrant des difficultés familiales) à proximité de l’Ecomusée et avec qui l'Ecomusée a l’habitude de travailler, de la sensibilité à l’inclusion sociale de sa directrice actuelle, Stéphanie Vergnaud, qui occupait un poste similaire au sien au Louvre-Lens et de différentes formations et notamment celle de l’association Signes de sens qui a été cruciale. Le partenariat avec Signes de sens a également été déterminant car l’association a réalisé un audit portant sur le développement de l’accessibilité des sites de l'Ecomusée ; le document qui a été produit à l’issue de l’audit sert encore de référence aujourd’hui en donnant des pistes d’amélioration pour l’accueil physique et aussi pour faire progresser l’offre pédagogique culturelle et donner des perspectives d’innovation plus inclusives. Enfin, Julien a présenté 2 projets inclusifs (l’espace cocoon, structure permettant de s’isoler et d’être au calme pour des personnes qui en ont besoin / projet mené avec la compagnie Tisseurs d’ondes qui a réalisé la fabrication d’objets permettant aux personnes en situation de handicap moteur ou mental de jouer de la musique).
-Formation Facilitation graphique par Héléna Salazar et Solenn Bihan le 8 juillet en Métropole lilloise et le 10 juillet à Amiens (réservé aux participant.es SPTT)
-4ème regroupement régional les 24 & 25 novembre (réservé aux participant.es SPTT)
Dans le cadre du programme SPTT, Ombelliscience propose des webinaires inclusion :
-"Quoi de neuf" pour faire le point sur les projets inclusifs de chacun.e, le 2 juin à 14h15. (réservé aux participant.es SPTT et à leurs collègues)
Photos 1 et 2 (c) Jérôme Photo, 3 et 4 (c) Ombelliscience
Publié le 20 mai 2025
Emilie Allender, est Directrice du pôle patrimoine au 9-9 bis à Oignies, dans le Pas-de-Calais. Elle participe au programme dédié à l’inclusion en médiation scientifique "Sciences pour toutes et tous en Hauts-de-France" coordonné par l’association Ombelliscience.
Ombelliscience l’a interviewée le 14 mai au sujet de sa démarche et son cheminement pour aller vers davantage d’inclusion dans ses pratiques professionnelles.
Aurélie Fouré (AF) pour Ombelliscience : Pouvez-vous présenter votre structure en quelques mots et expliquer en quoi elle a un lien avec la culture scientifique ?
Emilie Allender (EA) : Le 9-9 bis est un établissement public de coopération culturelle (EPCC) financé Dont les financeurs principaux sont la communauté d’agglomération Hénin-Carvin et le département du Pas-de-Calais.
C’est un lieu culturel et patrimonial situé à Oignies (62). C’est le dernier site minier à avoir fermé dans la région en 1990. C’est assez symbolique. C’est un site du bassin minier représentatif des années 30 et très complet. Les machines sont bien conservées et l’une d’entre elles tourne à nouveau ce qui permet de mieux comprendre comment un site minier pouvait fonctionner.
Nous allons faire en sorte que le bâtiment des machines puisse être accessible pour les personnes à mobilité réduite, avec la mise en place d’un ascenseur et d’un parcours sécurisé. Aujourd’hui on ne peut le faire visiter qu’à des groupes limités de 30 personnes.
Le 9-9 bis n’est ni un musée, ni uniquement un lieu patrimonial. Le projet est très large, orienté spectacle vivant, musique... Mais sur la dimension patrimoniale (machines, fonctionnement d’un site minier), il y a une dimension scientifique et technique importante. Quand on parle de culture scientifique on a tendance à penser aux sciences physiques, maths… alors que, au 9-9 bis, Nous avons, grâce à la présence des machines un patrimoine scientifique et technique que nous transmettons aux visiteurs. Quand on fait une visite, on essaie de vulgariser au maximum pour que les visiteurs comprennent comment fonctionnent ces machines.
AF : C’est quoi pour vous l’inclusion en général ?
EA : Dans le cadre du parcours "Sciences pour toutes et tous", on a vu plein de définitions et de perceptions différentes.
Pour moi, l’inclusion c’est de faire en sorte que chacun.e puisse se sentir à l’aise, être ce qu’il/elle est dans un lieu culturel, sans qu’elle se dise "Je ne me sens pas à ma place". Dans l’idéal, ce principe devait être appliqué partout au quotidien, au-delà des lieux culturels, en entreprise, dans les lieux publics... On voit qu’il y a encore des progrès à faire.
Pour le 9-9 bis, c’est de faire en sorte qu’il tende à devenir un lieu dans lequel les gens s’arrêtent, s’y sentent bien et viennent pour pleins d’envies différentes sans venir forcément pour une visite ou un spectacle, comme une sorte de tiers-lieu.
AF : Selon vous, les sciences sont-elles naturellement inclusives ? Pourquoi ?
EA : Au premier abord j’ai envie de dire non, car déjà nous-mêmes en équipe dès qu’on parle de "puissance", "intensité", "tension", on commence à se dire "Ce n’est pas pour moi" !
Mais en y réfléchissant, en prenant les sciences au sens large (histoire, philosophie, arts..) je trouve que tous les domaines peuvent être accessibles a priori. Progressivement, c’est par expérimentation qu’on a avancé et inventé pour améliorer le quotidien, ce qui concerne chacun d’entre nous. Si on prend le cas de l’histoire de l’art, si on regarde un tableau, même si on ne connait pas l’artiste, que l’on n’a pas de notion, on peut quand même être touché par son œuvre et ressentir ce que l’artiste a voulu dire.
À priori, tout peut être accessible, c’est la façon de présenter les choses qui peut en faire quelque chose d’inclusif ou pas. Si on l’explique simplement, c’est inclusif. On s’est inventé un vocabulaire pour analyser, c’est ça qui rend moins inclusif, mais les savoirs en eux-mêmes ne sont pas excluants. Le "tambour bicylindroconique" du bâtiment des machines finalement c’est juste une grande machine qui permet de dérouler un câble pour permettre la descente et la remontée des hommes et du charbon. On a dû inventer des mots techniques pour expliquer ce qu’on voit mais on peut l’expliquer simplement. L’enjeu est de sortir du langage savant sophistiqué pour décomplexer.
AF : Au sein de votre structure, quel a été ou quel serait le 1er pas concret pour être dans une démarche plus inclusive ?
EA : Au quotidien, on essaie tout·es d’être le plus inclusifs et accessibles possible, en utilisant du vocabulaire un peu technique pour transmettre des notions aux visiteurs mais en faisant l’effort de vulgariser et d’être le plus pragmatique possible.
Nous sommes toujours dans cette démarche d’inclure des publics sur chacune de nos propositions, mais involontairement en médiation il y a des sujets complexes et ce n’est pas toujours évident d’évaluer si le public a bien compris. On sait qu’on a encore du chemin à faire.
En ce moment, on travaille avec une radio associative pour développer un projet participatif avec les habitants sur la construction et l’animation d’une émission radio. On a été chercher des habitants et on a essayé de faire en sorte qu’ils se sentent à l’aise. On peut participer à ce projet avec qui on est et ce qu’on a envie d’y faire : construire le sujet, être sur la partie technique… Tout le monde peut trouver sa place. Ça nous interroge sur la façon dont on va chercher les habitants proches du site. On a du mal à impliquer les personnes et on se dit "Qui on est, nous, pour aller chercher les habitants ?". On fait avec eux, le format est participatif, mais on arrive avec un projet déjà fait, qui peut ne pas les intéresser. Du coup, ça peut être difficile de se sentir complètement inclus.
6 habitants sont associés à ce projet radio. C’est une relation très individuelle aux personnes. Le groupe fonctionne mais ça nous a pris du temps pour constituer ce petit groupe. Et parfois on pense qu’ils nous ont dit « oui » parce que c’est nous, parce qu’on se connaît mais en même temps est-ce qu’elles se retrouvent dans la proposition ?
Une limite c’est le manque de temps pour collecter ce que les gens ont envie de faire. Il faudrait changer notre façon de faire. Aujourd’hui, on part d’un projet et on demande aux gens de s’impliquer. On devrait faire l’inverse. Même pour avoir juste une réunion de démarrage pour se rencontrer, c’est difficile. Nous aurions besoin d’interlocuteurs qui nous permettent de rentrer en contact plus facilement avec les habitants et quelqu’un en interne qui passe du temps pour mieux connaitre les gens. On a un projet de direction qui tend vers ça mais ce sont les ressources humaines qui manquent. Il faut réinventer, créer une chaine de médiation pour arriver à embarquer les gens et arriver à construire cela au fur et à mesure, sur un temps long. Créer du lien sans être tout de suite en mode projet.
AF : Que vous a apporté l’accompagnement par Ombelliscience et le collectif de professionnel·les qui se forment à vos côtés dans le programme "Science pour toutes et tous" ?
EA : C'est important déjà d’avoir des apports théoriques au début parce que ça permet de déconstruire la vision qu'on a d'un projet inclusif, d'avoir une ouverture d'esprit et de se rassurer.
Il faut accepter que ce qu'on a mis en place pendant un certain nombre d'années n'est pas optimal, ça demande une remise en question. Finalement le fait de se poser des questions, de douter de soi-même, c'est positif car on ne fonce pas tête baissée dans un schéma, on essaie de changer de regard et d’approche pour que ce soit un projet qui soit le plus inclusif possible.
Les récits d'expérience à la fois dans les regroupements régionaux ou lors des visio étaient très riches, parce qu’on pouvait échanger sur nos difficultés et voir des approches différentes.
La journée qu'on a eue au 9-9 bis avec Signe de sens par exemple, c’était particulièrement intéressant car il s’agit d’une structure spécialisée en inclusion et qui a partagé des choses concrètes qu'on pouvait mettre en place.
La visio aussi avec l'association À Petits Pas nous a permis de se rendre compte qu’il y avait déjà tout un travail à faire en terme d’inclusion dans l'organisation au sein même d’une structure pour le personnel. Ça rappelle que l’inclusion se travaille en équipe et que c’est bien que tout le monde ait une attention et une vigilance là-dessus en interne.
On n'a pas forcément eu des outils tout faits mais c'est important d’être dans un cheminement pour changer d'approche, prendre du temps et travailler différemment.
AF : Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment… À votre niveau, au sein de votre structure, et au niveau de l’accompagnement proposé par Ombelliscience ?
EA : Avant de faire, il faut vraiment poser les bases en amont pour que tout soit bien pensé et se dire qu'on va pouvoir faire évoluer le projet. C’est important de poser les objectifs au départ et d’essayer d’avoir une dimension inclusive à tous les niveaux, d’avoir une chaîne complète d'inclusion. C’est important d’accepter que le fait d’être davantage dans une démarche d’inclusion se fait au fur et à mesure, dans le temps.
Si c'était à refaire, je ne mettrais pas l’ambition de développer l’inclusion seulement sur un projet en particulier. Dans l’équipe, on se dit que c’est bien déjà au début d’être vigilant·es dans le quotidien, à chaque fois qu'on échange avec le public, d’essayer d'être beaucoup plus attentif, de faire attention à chaque personne individuellement, de ne pas laisser de malaise sur quelque chose qui ne fonctionnerait pas ou ne serait pas comprise dans le cadre d'une visite ou d'un atelier par exemple.
Aujourd’hui, quand je fais une visite pour du public individuel, je sens que ma façon de démarrer la visite est différente, je vais essayer de mettre davantage à l'aise le public et d'être vigilante à sentir si des choses sont comprises ou pas.
Autre chose aussi, qui n’est pas toujours facile à faire, c’est d’essayer de garder les objectifs de départ dans les projets sans les transformer pour qu’ils rentrent dans les appels à projets/financements. Parfois, on est embarqué dans des projets dans lesquels on fonce tête baissée parce qu'il y a des critères pour avoir des financements, mais ça n'a pas toujours de sens par rapport à la direction qu’on s’était donné au départ.
L’idéal est de ne pas trop se contraindre par le cadre mais de trouver une adéquation entre la proposition culturelle, le calendrier, le public et les partenaires. Des fois, on se dit que c'est important d'aller vers les publics des quartiers politiques de la ville - ce qui est positif à priori - mais ça enferme un peu parce que finalement on fait pour ce public-là alors qu'on pourrait faire en sorte que ce soit beaucoup plus ouvert à toutes et tous. Finalement ce qui compte c'est d'avoir embarqué des gens, qu'on construise ensemble et que cela ait du sens pour toutes et tous.
Photos (haut) © Silina Syan, milieu et bas © Ombelliscience
Publié le 16 mai 2025