Actualités

Tout Rencontres pro Doctorants Projets pour jeunes Fête de la science Études Formations Interventions extérieures Plaidoyer Outils mutualisés Vie de l'association Médias-Presse Expositions Autres

Témoignage de Camille de Visscher : « Pour moi, inclure c’est d’abord savoir qui on exclut »

Camille De Visscher est responsable de la médiation scientifique au sein des ‘Sciences infusent’ programme de médiation scientifique de l’Université de Lille, rattaché à la direction de la valorisation de la recherche (59). Dans le cadre de sa participation à la formation-action « Sciences pour Toutes et Tous » (SPTT) coordonnée par Ombelliscience, Camille De Visscher a été interviewée par Ombelliscience le 28 novembre au sujet de son cheminement vers plus d’inclusion dans sa pratique professionnelle.

Marie Lemay pour Ombelliscience : Pouvez-vous présenter votre structure en quelques mots et expliquer en quoi elle a un lien avec la culture scientifique ?

Camille De Visscher : notre matière première ce sont les résultats de recherche de l’Université de Lille, produits par les personnels de recherche, au sein des 64 unités que compte l’université, toutes disciplines confondues. La mission des Sciences infusent est de rendre accessible ces résultats pour que la société puisse se les approprier et ainsi mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.

ML : C’est quoi pour vous l’inclusion en général ?

CDV : Il y a vraiment eu un avant et un après Sciences pour toutes et tous (SPTT). Avant la formation SPTT,

« Nous faisions des choix très larges de publics pour les différents outils de médiation que nous développions : scolaire, familial… Nous nous pensions ouvertes à tous. Nous ne nous étions jamais posé la question de savoir qui nous touchions vraiment, et surtout qui nous ne touchions pas.Et aujourd’hui, pour moi, inclure c’est d’abord savoir qui on exclut. »

Et ce n’est qu’une fois que nous avons cette donnée, que nous pouvons entamer un travail de longue haleine pour être inclusif dans nos actions, en travaillant en profondeur ces actions avec les publics que l’on souhaite toucher. L’inclusion c’est donc une démarche globale qui réunit l’accessibilité physique, l’accessibilité des contenus, l’écoute des publics, le fait de travailler vraiment avec eux, l’adaptation de nos actions et de nos pratiques… Je pense que c’est lorsque tous ces ingrédients sont réunis que l’alchimie peut se faire et qu’une vraie rencontre peut avoir lieu.

ML : Selon vous, les sciences sont-elles naturellement inclusives ? Pourquoi ?

CDV : Pour moi, toutes les sciences sont inclusives, mais la manière que l’on a de les aborder ou de les faire aborder, elle, ne l’est pas. C’est donc à nous de développer les outils nécessaires et de nous adapter pour que cette transmission soit inclusive. Dans le cas des Sciences Infusent, on a un frein supplémentaire : on est au sein d’une université et cela ajoute de la distance car c’est un lieu perçu par beaucoup de personnes comme inaccessible, sauf aux sachants. Donc notre mission est à la fois de rendre les sciences accessibles, mais également de transmettre le message que l’université elle-même est un lieu ouvert à toutes et à tous.

ML : Au sein de votre structure, quel a été ou quel serait le 1er pas concret pour être dans une démarche plus inclusive ?

CDV : Avant SPTT on avait déjà une sensibilité sur cette question d’inclusion. Dans les illustrations de nos supports on faisait attention à l’égalité de genre, on avait fait un livret FALC (Facile À Lire et à Comprendre), etc. Mais c’était des actions disparates et décorrélées les unes des autres. Il n’y avait pas une vraie prise de conscience globale. C’est arrivé avec SPTT. Et la première action qu’on a faite a été l’étude de nos publics (des tous publics et des personnels de recherche). On voulait savoir qui on touchait et qui on ne touchait pas. Le résultat a été sans appel : on avait une grande marge de progression ! Durant les 3 ans de SPTT on a déjà fait évoluer nos pratiques. Et aujourd’hui je souhaite qu’on passe à la vitesse supérieure et j’ai donc déposé une demande de financement pour le projet Médiation Inclusive et Sciences Accessibles (MISA). L’objectif est de faire de l’inclusion un projet structurant des Sciences Infusent avec des financements, des moyens et des temps humains dédiés. On fera également évoluer dans ce sens le prochain appel à manifestation d’intérêt des Sciences infusent à destination des personnels de recherche de l’université. MISA sera l’un des deux projets qui structurera nos recherches de mécènes et prendra la forme d’expérimentations inclusives sur 2026. Par exemple, sur l’exposition « les visages de la dépression », nous ferons un livret FALC et créerons des visites pour les publics spécifiques. Pour la Fête de la science, nous développerons notamment des visites d’ateliers en langue des signes. Cela permettra de voir ce qui fonctionne et ce qu’il faut faire évoluer, tout en commençant à créer un réseau des publics.

ML : Que vous a apporté l’accompagnement par Ombelliscience et le collectif de professionnel·les qui se forment à vos côtés dans le programme « Science pour toutes et tous » ?

CDV : Cela nous a apporté une prise de conscience pleine et entière de là où on en était, en plus d’une montée en compétences. Et on en a tiré une véritable envie de mieux faire. C’était une formation-action sur du long terme (3 ans). Il aurait pu y avoir des moments de découragement ou de lassitude mais l’équipe d’Ombelliscience a maintenu la motivation du groupe en amenant du sens. Sans votre accompagnement, on n’aurait pas avancé jusque-là. Grâce à cela on ne fait pas juste « pour faire » : on y croit vraiment. Et on pense que ça va véritablement faire évoluer nos pratiques en profondeur. Ce n’est pas juste pour cocher la case « inclusion ». La rencontre avec les autres participantes et participants à la formation est l’autre aspect très positif de SPTT. Ça a été une force incroyable ! C’était compliqué de nous mettre en lien car on est tous et toutes très différents, que ce soit sur nos publics cibles, nos structurations, nos modes d’actions, nos financements… mais on s’est tous et toutes retrouvées autour de ces questions d’inclusion. On a fait réseau et les expériences des uns ont nourri celles des autres, en amenant également une prise de recul et un regard différent sur nos pratiques. Les temps d’échange avec les autres m’ont beaucoup éclairée. C’était super enrichissant. Les regroupements régionaux comme celui des 24 et 25 novembre dernier sont des moments ressourçants pour tout le monde. Le moment qui m’a le plus marquée est la 1ère formation avec Catherine Oualian (formatrice de l’Ecole de la Médiation) en mai 2023. Là nous avons été secouées avec ma collègue Pauline Leroy : on s’est dit qu’il y avait vraiment une question à se poser sur notre manière de travailler !

ML : Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment…à votre niveau, au sein de votre structure, et au niveau de l’accompagnement proposé par Ombelliscience ?

CDV : J’aurais aimé pouvoir y consacrer plus de temps, pouvoir mieux travailler avec les outils que vous nous avez proposés ou lire tous les ouvrages suggérés…. Cette question du temps revient tout le temps… Ce manque va à l’encontre de l’inclusion. Après, au début de la formation, j’ai été perturbée par le fait que ce n’était pas concret. Si c’était à refaire il faudrait, à mon sens, qu’on rencontre plus tôt des publics concernés par les exclusions. Ainsi nous comprendrions mieux là où nous faisons fausse route dans la rencontre avec eux. Cela nous aurait permis de voir plus vite où se situait le nœud du problème. À présent que SPTT touche à sa fin, j’espère vraiment que tout cela va continuer et que le réseau qu’on a constitué demeurera. J’aimerais que ce qui a été construit là puisse déboucher sur un vrai réseau professionnel sur la question de l’inclusion en science. J’espère vraiment que ça va pouvoir se faire. C’est l’étape d’après. Enfin, je vous remercie car sans vous et votre énergie ça n’aurait pas tenu. Parce qu’au départ, tout le monde n’était pas convaincu. Et finalement, beaucoup de monde a bougé et ça c’est top !

Publié le 11 décembre 2025

Portait CDV.JPG

Clap de fin au 4e regroupement régional pour la formation-action « Sciences pour toutes et tous »

33 professionnel-les se sont retrouvés ces 24 et 25 novembre à le Wast et Hervelinghen (62) pour clore cette troisième et dernière année de formation-action « Sciences pour Toutes et Tous ».

Ce 4e regroupement régional a débuté le lundi à la Maison des Caps et Marais d’Opale, où les participants ont pu, partager leurs récits d’expérience : Comment ont-ils mis en place des actions plus inclusives au sein de leur structure ? Quelles ont été leurs difficultés et échecs ? De quoi sont-ils·elles fièr.e.s ? Quelles leçons en ont-ils tiré ? Après un déjeuner partagé, Amanda Dacoreggio, chargée de mission observation chez Ombelliscience leur a préparé un quizz sur l’enquête menée en 2024 et 2025 sur les publics exclus de la CSTI produite en collaboration avec l’Agence Phare. L’occasion de leur en distribuer des exemplaires. L’après-midi s’est poursuivie sous forme d’ateliers « foire aux questions ». Animés par Ombelliscience et Catherine Oualian de l’Ecole de la Médiation, ils ont permis de revenir sur des sujets qui continuent de poser problème aux participantes. Clémence Perronet, sociologue de l’Agence Phare a conclu la journée par une intervention réflexive sur la notion d’« universalité » en médiation scientifique.

Deuxième journée à Hervelinghen

Le deuxième jour aux gîtes du Mont de Couple à Hervelinghen, les participant.es ont démarré la matinée par une balade sur le Mont, animée par Martin Verhoeven, animateur du Parc Régional Caps et Marais d’Opale (lire son portrait par ici > portrait de Martin). L’occasion de mieux connaître le territoire, la faune et la flore du littoral. S’en est suivie une restitution des travaux de la veille, puis des mises en situation pour apprendre à promouvoir l’inclusion au sein de sa structure, auprès des financeurs ou des partenaires extérieurs. La journée s’est clôt par le bilan et l’évaluation des deux jours !

Pour SPTT, l’heure est maintenant au bilan, à l’évaluation de la formation et à la compilation des outils et bonnes pratiques mises en œuvre par les participantes… La majorité a exprimé le souhait de continuer à tisser un réseau inclusion en culture scientifique. Une piste qui sera prochainement discutée avec les membres d’Ombelliscience. Les participantes sont d’ores et déjà invitées à se retrouver au 6ème Forum régional de Culture scientifique qui se tiendra le 12 février à Nausicaa ainsi que le 12 mai 2026 pour un temps de clôture et valorisation de la formation-action Sciences pour toutes et tous.

Prochain rendez-vous *: *6e Forum régional de la CSTI le 12 février à Nausicaa où Marie et Amanda d’Ombelliscience animeront un temps « Ecouter et comprendre les publics pour ne pas exclure : regards issus de la formation Sciences pour toutes et tous » et présenteront l’enquête sur les publics exclus de la CSTI.

+ d’infos sur le programme inclusion « Sciences pour Toutes et Tous »

Publié le 10 décembre 2025

SDS144382.jpgSDS144375.jpgSDS144950.jpgSDS145065.jpgSDS144550.jpg

IMG_5177.JPG

IMG_5200.JPG

IMG_5070.JPG

IMG_5210.JPG

IMG_5237.JPG

IMG_5240.JPG

Témoignage de Pauline Pecquet : « L’inclusion c’est faire en sorte que les publics, quels qu’ils soient, se disent que la porte est ouverte »

Pauline Pecquet est chargée de projets à l’association A Petits pas située à Ruisseauville (62). Dans le cadre de sa participation à la formation-action "Sciences pour Toutes et Tous" coordonnée par Ombelliscience, Pauline Pecquet a été interviewée par Ombelliscience le 13 octobre au sujet de son cheminement vers plus d’inclusion dans ses pratiques professionnelles.

Marie Lemay pour Ombelliscience : Pouvez-vous présenter votre structure en quelques mots et expliquer en quoi elle a un lien avec la culture scientifique ?

Pauline Pecquet : A Petits Pas est une association d’éducation populaire de bientôt 30 ans implantée en milieu rural. Nous faisons de multiples activités : sensibilisation à l’environnement, tourisme, culture, aide à la création d’activité et entreprenariat. La première salariée est arrivée en 1999 et aujourd’hui nous sommes une vingtaine de salarié·es et l’association a une deuxième antenne à Sains du Nord (59). Dans le cadre de ses activités d’éducation à l’environnement, A Petits Pas réalise des animations, ateliers, formations auprès de tous publics. La plupart du temps, il y a un lien avec la transition écologique et nous essayons de transmettre des connaissances liées aux sciences actuelles pour informer sur l’état de l’environnement. Depuis 4 ans, nous organisons aussi des conférences avec des scientifiques qui viennent une journée ou plusieurs jours présenter leurs recherches auprès de cours moyens, de collégiens et lycéens ainsi que du grand public. L’objectif est de démocratiser les sciences et de montrer qu’elles sont accessibles à toutes et tous.

ML : C’est quoi pour vous l’inclusion en général ?

PP : L’inclusion c’est ce qu’on souhaiterait atteindre.

« C’est l’idée que, quelle que soit l’activité, on soit ouvert à tout le monde et qu’il y ait une mixité des publics : être autant ouvert à des publics porteurs de handicaps qu’à la différence en termes de genre ou d’origine. C’est faire en sorte que les publics, quels qu’ils soient, se disent que la porte est ouverte et que cette association leur permet de faire des activités.»

ML : Selon vous, les sciences sont-elles naturellement inclusives ? Pourquoi ?

PP : Non. Les sciences, comme bcp de milieux, sont très genrés. Aux yeux du grand public, il y a l’idée qu’à la base ce sont les hommes qui font des sciences… Quand on parle de sciences on imagine un homme avec la blouse blanche, même si on s’aperçoit qu’il y avait des petites mains derrière eux : des femmes. Il y a une exclusion par l’Histoire. Cela n’est pas dû aux sciences en tant que telles, mais au monde en général et à notre société. Et sur les autres exclusions [sociales, ethno-raciales], je pense que ce sont les mêmes clichés qui persistent. Après, ça change : les sciences tendent à devenir plus inclusives. C’est la société qui a besoin de progresser sur plein de sujets dont les sciences.

ML : Au sein de votre structure, quel a été le 1er pas concret pour être dans une démarche plus inclusive ?

PP : Depuis sa création, à l’association A Petits Pas c’était un souhait d’être inclusif. Par exemple, dans le bâtiment on a fait des travaux et créé une extension pour l’accessibilité. Et sur les questions de genre et d’origine, ça fait partie du cœur de métier et des statuts de l’association d’inclure les publics exclus socialement dans les actions menées. Il y a ainsi eu des « camps chantiers » pour fabriquer le préau ou le four à pain, avec une mixité de personnes qui y ont participé. Et puis, une fois que la culture a fait partie de nos activités, nous avons favorisé l’ouverture sur l’autre, sur le monde… L’autre cheminement s’est fait avec « Sciences pour toutes et tous ». Comme on est une association d’éducation populaire, on a envie de faire « avec » le public… Mais notre mode de financement par subventions nous entrave dans la capacité à associer les publics à la construction des projets. Avec SPTT, ça nous a permis de le faire à nouveau et de nous demander comment les réimpliquer ? Comment mieux communiquer avec eux ? Car on peut toujours s’améliorer dans nos manières de faire.

ML : Que vous a apporté l’accompagnement par Ombelliscience et le collectif de professionnel·les qui se forment à vos côtés dans le programme "Science pour toutes et tous" ?

PP : La formation SPTT nous a permis de nous demander où on en était sur l’inclusion. Ça nous a permis de remettre les choses à plat, d’être mieux éclairés sur les questions d’exclusion et de nous poser sur cette question en étant accompagnés pour le faire.

Grâce à SPTT, nous avons fait un diagnostic de nos actions et nous avons été outillés pour avancer. Je me suis servie des outils d’animation de réunion, des idées de brise-glace mais aussi de la méthode d’analyse de projet « Kadeïloscope » pour analyser la façon dont on fait les choses et voir où on peut les améliorer. Et même pour nous, pour transmettre en équipe ensuite, c’est utile ! On a maintenant une belle mallette d’outils et d’échanges d’expériences dont s’inspirer : le témoignage de Christelle Sohier des Pas Sans Nous a résonné avec des projets que j’aie pu mettre en place mais qui n’étaient pas adaptés aux habitant·es. Celui de la Caravane des Médias était aussi riche en ce qu’il a montré comment réajuster un projet en cours de route. Dans SPTT, il y a eu beaucoup d’échanges avec les structures participantes : le réseau de professionnelles créé autour de l’inclusion a été un outil.

Ça a permis de demander aux autres : « j’ai cette problématique, que feriez-vous à ma place ? » ou de rencontrer des gens avec lesquels on ne travaillait pas avant. Ça génère des envies, des idées de sorties culturelles pour les publics et ça donne vraiment une impulsion. Ce sont des échanges hyper riches !

ML : Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment… À votre niveau, au sein de votre structure, et au niveau de l’accompagnement proposé par Ombelliscience ?

PP : C’est déjà très complet. Les déroulés de journées, les timings que vous avez tenus : tout ça était fluide, tout était bien ficelé et ça a permis de donner la parole à toutes et tous. Vous avez utilisé des outils de gestion de prise de parole qui ont fait que l’inclusion on la ressentait aussi dans l’animation de la formation. Ça c’est plutôt fort de votre part d’arriver à ça.Et le fait que l’équipe salariée d’Ombelliscience fasse aussi la formation et soit impliquée en bonne partie, c’était bien : vous appreniez en même temps que nous. Ce qu’on pourrait améliorer, c’est être plus tôt dans l’action : impliquer les publics exclus des sciences dès le début, à notre échelle à nous, et pouvoir le prévoir en avance. Dire dès la 1ère année « vous allez rencontrer des publics exclus ». Réfléchir à la manière d’outiller les structures dès le début pour identifier leurs publics exclus et les inciter à travailler avec. Ça permettrait d’avancer plus loin en trois ans. Enfin, moi, personnellement, j’aurais aimé avoir du temps pour me replonger dans les ressources que vous avez données et les outils que vous avez proposés.

© Clément Foucard

Publié le 05 décembre 2025

Portrait Pauline Pecquet.jpg