Bertrand Prévost est médiateur scientifique chez Ombelliscience. Dans le cadre de sa participation au programme « Sciences pour Toutes et Tous » coordonné par Ombelliscience, l’association l’a interviewé au sujet de sa démarche et son cheminement pour aller vers davantage d’inclusion dans ses pratiques professionnelles.
Raphaël Degenne (RD) pour Ombelliscience : Pouvez-vous présenter votre mission en quelques mots ?
Bertrand Prévost (BP) : Ma mission au sein d’Ombelliscience se décompose en 2 parties. La première consiste à faire vivre un fonds régional d’outils pédagogiques pour la médiation scientifique et la deuxième consiste en l’animation de séquences de médiation scientifique principalement avec des élèves en milieu scolaire ou des stagiaires. Dans le cadre du dispositif régional « PEPS » (Parcours d’éducation, de pratique et de sensibilisation à la culture), j’interviens dans les établissements d’enseignement secondaire au sens large, c’est-à-dire les lycées et les centres de formation type CFA, lycées agricoles, lycées professionnels… En tant que médiateur scientifique, j’accompagne des élèves à réfléchir d’une manière scientifique autour d’une thématique et je leur apporte un certain nombre de connaissances au sujet de l’impact du dérèglement climatique à la fois sur les milieux naturels et sur les métiers qu’ils vont exercer. L’enjeu n’est pas juste de débattre en mode « café du commerce » mais de construire un raisonnement pour développer la compréhension scientifique d’une thématique.
RD : C’est quoi pour vous l’inclusion en général ?
BP : Clairement cela veut dire ne pas exclure ou exclure le moins possible. Ce que cela veut dire pour moi dans la pratique c’est avoir une attention particulière à ce que je peux dire, transmettre ou véhiculer pour que ça puisse être compris par le plus de monde possible dans mes groupes d’intervention. Je dois essayer de voir ce que les élèves sont capables d’appréhender pour essayer de les pousser un cran plus loin.
« Je ne fais pas de différence de genre ou de milieu social. Pour moi l’important est que chaque personne puisse s’approprier un sujet scientifique et des connaissances indépendamment de qui elle est.»
Si moins de 80% d’une classe n’a pas compris ce que j’ai expliqué cela veut dire que je n’ai pas amené les choses de manière qu’elle ait envie d’apprendre, cela veut dire que la façon de leur transmettre les choses ne colle pas… et cela m’est déjà arrivé.
RD : Selon vous, les sciences sont-elles naturellement inclusives ? Pourquoi ?
BP : Clairement : non.La science n’est pas inclusive car ce sont des choses complexes qui demandent des bases que tout le monde n’a pas. C’est une méthode de raisonnement qui est spécifique et qui n’est pas la plus fréquente au quotidien. Pour moi, la science peut être très « cryptique », je veux dire par là que certaines connaissances sont des savoirs gardés jalousement.
« Posséder des savoirs que les autres n’ont pas est une manière de se sentir « au-dessus ». Il y a toujours une notion d’élitisme liée à la science, c’est aussi lié à la sélection dans le cadre scolaire. Si tu es bon en sport ou si tu es bon en sciences, tu n’es pas classé·e pareil. »
Les sciences sont aussi très cloisonnées. Certains milieux scientifiques sont très fermés et il n’est pas facile d’y rentrer. A titre personnel, j’ai eu le sentiment d’entrer dans le monde scientifique, c’est-à-dire d’être considéré comme scientifique, lors de mon année de Maitrise à l’Université.
RD : Avant vos expérimentations dans le cadre du programme "Science pour toutes et tous" d’Ombelliscience, quels étaient concrètement les freins observés ?
BP : L’un deux freins majeurs pour moi, était ma méconnaissance du sujet de l’inclusion. Pour moi cela concernait les personnes en grande précarité socio-économique ou les personnes racisées pour l’accès au travail mais je ne me sentais pas concerné. Le deuxième frein était de ne pas nommer le phénomène d’exclusion. Ne pas nommer le phénomène en tant que tel lui donnait moins d’importance parce que c’était un juste un élément à prendre en compte dans mon travail mais pas un facteur prédominant dans mon activité. Je n’utilisais d’ailleurs pas le mot d’inclusion mais plutôt la notion « mise à niveau. » Lorsqu’un phénomène d’exclusion pouvait exister dans l’une de mes actions de médiation scientifique, je ne me posais pas la question « pourquoi cela ne lui a pas plu ». A priori je considérais que c’était l’élève ou la personne qui en était responsable et pas moi.
« Aujourd’hui je me demande davantage « qu’est-ce que j’ai fait ou pas fait qui ne lui a pas permis de s’intégrer ? »
RD : Au sein de votre structure, quel a été le premier pas concret pour être dans une démarche plus inclusive ?
BP : Le premier pas a été difficile. Ça a été le démarrage du programme SPTT. J’avais fait des choses avant mais que je n’identifiais pas comme un travail sur l’inclusion. La première question qui m’est venue à l’esprit, c’était dans ma mission de diffusion des expositions scientifiques itinérantes : « est-ce que je touche tous les publics ? est-ce que je peux qualifier les publics ? est-ce qu’il existe des publics exclus ? ». A l’époque j’avais une envie beaucoup trop ambitieuse de cartographier tous les publics pour pouvoir comparer ceux que je touchais et ceux que je ne touchais pas. Je me suis cassé les dents sur la question « c’est quoi un non-public ? », puisque je ne le connais pas. J’étais plutôt dans une approche comptable de chiffrage, de fournir des données. Cela a été une désillusion mais cela m’a aussi permis de prendre conscience de la difficulté et d’identifier à quelle échelle je peux agir personnellement. Là où j’avais le plus de possibilités pour tester de nouvelles pratiques, c’étaient les groupes scolaires des parcours PEPS. Je faisais des médiations sur une méthodologie qui ne fonctionnait pas mal mais à propos de laquelle je ne me posais pas la question de savoir ce que mon public attendait. Je me comportais comme un professeur qui apporte des connaissances mais je ne me préoccupais pas tant que ça des techniques de transmission des connaissances. Aujourd’hui je m’interroge davantage sur la façon de proposer une expérience de médiation scientifique qui corresponde davantage aux envies de mes publics et je m’adapte plus à leurs besoins et leurs attentes. Je fais plus de « participatif », j’utilise davantage de méthodes de l’éducation populaire et je m’aperçois que ça fonctionne mieux, que j’ai plus facilement l’adhésion du groupe. C’est aussi le cas pour le choix des sujets et des modes de restitution de projets éducatifs : avant c’est moi qui imposais les sujets de rendus dans les restitutions ; maintenant je vois groupe par groupe de quoi ils ont envie de parler, à qui ils souhaitent s’adresser et comment ils sont envie de le dire ? (Par exemple en format tik-tok ou dans un rap, un podcast ou tout autre format). Avant je cadrais beaucoup, maintenant je laisse davantage le choix.
RD : Que vous a apporté l’accompagnement et le collectif de professionnel·les qui se forment à vos côtés dans le programme "Science pour toutes et tous" ?
BP : Pour moi, ce programme a été principalement une boîte à outils. On a parlé de publics que je ne connais pas ou peu. Moi, je travaille avec des classes donc des personnes qui sont obligées d’être présentes. Je n’ai pas les même problématiques qu’un centre social, un tiers-lieu ou une médiathèque ou même un musée de Sciences dans lequel les publics viennent de façon volontaire. Je travaille avec des publics déjà « captifs » donc je ne peux pas appliquer les mêmes recettes mais je pioche des idées à droite et à gauche. Quand je discute de ce que je fais, il y a toujours des personnes qui me disent « pourquoi tu n’as pas fait ça ou pensé à ça ? » Il y a beaucoup d’informel grâce à l’interpersonnel. Ça fait beaucoup progresser mes idées, ma façon de penser la médiation dans les projets. Par exemple les « débats mouvants » sur des questions autour du dérèglement climatique pour savoir ce qu’en pensent les gens, c’est un outil que j’ai découvert dans le cadre de Sciences pour toutes et tous (SPTT). L’outil d’évaluation « la machine à laver, la poubelle et la valise » me permet de collecter des données plus facilement sans donner l’impression aux personnes qu’elles sont notées ou qu’elles font l’objet d’une étude comme avec un questionnaire, ce qui peut rebuter.
RD : Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment… À votre niveau, au sein de votre structure, et au niveau de l’accompagnement proposé par Ombelliscience ?
BP : Je pense qu’il faudrait peut-être imposer dès le début l’outil d’autodiagnostic du « Kadeiloscope ». Je me serais alors probablement rendu compte plus tôt de la difficulté de ma première proposition (rendre les expositions scientifiques itinérantes plus inclusives). Il faudrait que les accompagnants n’hésitent pas à nous dire « tu pars trop loin, tu n’y arriveras pas » pour que je me concentre dès le départ sur quelque chose de très opérationnel et réaliste, quelque chose que je puisse faire facilement dans un premier temps. Moi je me suis emballé sur le périmètre de mon action alors que je ne suis ni sociologue ni statisticien. Aujourd’hui je me sens plus l’aise car je me suis concentré sur une action sur laquelle je suis en mesure d’agir. Il ne faut pas que je pense trop global mais que je sois pragmatique. Je ne vais pas changer le monde tout seul, comme chacun, j’apporte ma pierre.
Publié le 17 octobre 2025
La 6ème édition du Forum régional de la culture scientifique en Hauts-de-France se tiendra le jeudi 12 février 2026 à Nausicaá à Boulogne-sur-Mer (62)
Pour la 6e année consécutive, cette journée a pour objectif de rassembler les acteurs.rices impliqués dans le partage des sciences dans la région. C'est l'occasion de rencontrer d’autres professionnel.le.s, d’échanger sur vos pratiques, de trouver de nouveaux partenaires pour des projets….
Vous êtes engagé·es pour rendre les sciences accessibles à toutes et tous en Hauts-de-France ? Rencontrons-nous, échangeons, réfléchissons ensemble à nos pratiques et aux enjeux de nos actions.
Présentation de projets et d’initiatives, ateliers pour partager des réflexions, rencontres… Vous avez des propositions pour construire le programme de cette journée ? Contactez Arnaud Lecroix : 03 65 80 14 41 lecroix@ombelliscience.fr
En attendant le programme, notez la date dans votre agenda !
En savoir plus sur la précédente édition
© Clément Foucard - photographe
Publié le 16 octobre 2025


Cette année pendant la semaine de la Fête de la Science (du 3 au 13 octobre), beaucoup d’expositions sont de sortie dans les Hauts-de-France. Retrouvez-en également quelques-unes jusqu’à la fin du mois d’octobre et jusqu’en novembre !
• Sciences et genre, son et science-fiction à la bibliothèque Marceline de Douai
Place aux sciences vues part et avec les femmes ! L’exposition « Sciences au féminin, au-delà des idées reçues » dresse une représentation des femmes dans les disciplines et cursus scientifiques et techniques, et met en scène des portraits de femmes scientifiques picardes d’aujourd’hui, leurs métiers en sciences et techniques, leurs parcours, conseils…
Avec l’exposition « Amazing science » la littérature et la science font bon ménage ! A la manière des célèbres « magazines pulp », Amazing Science propose 30 nouvelles écrites à la croisée des nouvelles de science-fiction des années 60 et des champs de recherche des laboratoires modernes. Une vision de la science qui se raconte autrement...
Après l’inspiration et l’imagination, place à l’expérimentation !
Quelles sont les méthodes d’amplification des sons ? Qu’est-ce qu’un son ? La malle « Explorasons » est conçue pour explorer l’univers sonore et comprendre ce qu’est un son de son émission à sa perception en passant par sa transmission et son amplification. Grâce à ce dispositif expérimental composé d’éléments d’instruments de musique : caisse de résonnance, cordes de guitare… il est possible de tester différentes méthodes d’amplification du son, identifier sa nature, et les moyens appropriés pour les amplifier.
Du 25 septembre au 16 octobre à la Bibliothèque Marceline-Desbordes-Valmore de Douai (61 Parvis Georges Prêtre, 59500 Douai)
• Devenez incollable sur l’Histoire Naturelle à Calais et Trith-Saint-Léger
Embarquez dans une aventure fascinante à travers Les Pop’up de l’Histoire Naturelle ! Ce dispositif interactif et ludique invite petits et grands à explorer, observer, toucher, lire, réfléchir et manipuler pour découvrir la richesse du monde naturel qui nous entoure. Une exposition conçue et réalisée par le Muséum national d’Histoire naturelle, en partenariat avec Ombelliscience.
Du 01 au 29 octobre - Le module « Tous liés ! » - à la médiathèque Gustave-Ansart de Trith-Saint-Léger (Place Roger Salengro 59125 Trith Saint-Léger)
Du 01 au 29 octobre - Les modules « L’Histoire Naturelle ! » et *« Curieux Spécimens » à la médiathèque Louis Aragon (16 rue du Pont Lotin, 62100 Calais) et à la médiathèque Le Petit Prince (240 rue Auguste Rodin 62100 Calais)
• Explorez les reflets du ciel à la BU Cathédrale de l’UPJV d’Amiens (80)
À travers dix-sept panneaux, cette exposition explore le lien que notre société entretient aujourd’hui avec le ciel, mêlant la sensibilité des artistes aux grandes questions scientifiques de l’astrophysique moderne. Un voyage entre imaginaire et savoir, pour nourrir votre curiosité et lever les yeux vers le cosmos !
Du 3 octobre au 21 novembre – BU Cathédrale UPJV (Placette Lafleur 80000 Amiens)
• Une exposition pour comprendre le réchauffement climatique à Auchy-Lès-Hesdin
Depuis le début de l’ère industrielle, la température moyenne à la surface de la planète augmente. Au cours du siècle à venir, le réchauffement va se confirmer avec des conséquences sur le cycle de l’eau et sur les climats de l’ensemble du globe. Découvrez toutes ces conséquences et ces changements à travers l’exposition « Climats en péril »
Du 6 octobre au 15 octobre – Symcéa (34 rue d’Hesdin 62770 Auchy-Lès-Hesdin)
• Vous reprendrez bien un peu de Sciences au féminin à Beauvais ?
L’exposition « Sciences au féminin, au-delà des idées reçues » dresse une représentation des femmes dans les disciplines et cursus scientifiques et techniques, et met en scène des portraits de femmes scientifiques picardes d’aujourd’hui, leurs métiers en sciences et techniques, leurs parcours, conseils…
Du 3 octobre au 21 novembre – Cité des Métiers / Maison de l’Emploi et la Formation Beauvais (13 rue Jean Monnet 6000 Beauvais)
• Plongez dans l’univers de l’énergie du quotidien à Fouquière-lès-Lens
La fée électricité… Muse des savants et des artistes, ou source de confort, elle est incontournable au quotidien. Pourtant que connaît-on d’elle ? Quelles richesses et quels secrets nous réserve-t-elle encore ? Avec l’exposition « Electricité 1,2,3 chargez… » découvrez cette invisible alliée, explorez ses origines et son avenir. Cette exposition interactive vous guidera depuis la production jusqu’à l’utilisation de l’électricité en passant par sa distribution et les risques qu’elle peut représenter.
Du 6 octobre au 20 octobre au Centre Culturel - Bibliothèque Jules Mousseron de Fouquière-lès-Lens (18bis rue Louis Pasteur 62740 Fouquières-lès-Lens)
• Betterave, Darwin et nuisances sonores dans le Vimeu
Qu’est qu’un son ? Un bruit ? Un décibel ? Comment lutter contre les nuisances sonores ? Comment sensibiliser les enfants au bruit, à ses méfaits et aux solutions ? Vous saurez tout dans l’exposition « Décibel à l’appel » !
Après les sons place à l’évolution ! Charles Darwin en 1859 proposa un mécanisme naturel permettant d’expliquer l’évolution biologique. A travers l’exposition « Sur les traces de Darwin » découvrez comment la théorie de Darwin, sévèrement critiquée est aujourd’hui confimée et affinée par la génétique.
Du 7 octobre au 21 novembre - Salle socio-culturelle (2 rue du stade 80210 Feuquières-en-Vimeu)
Partez à la découverte de la betterave, cette plante qui a révolutionné notre alimentation en rendant accessible à tous l’un des condiments les plus appréciés des petits et des grands : le sucre, à travers l’exposition « Douceur de betterave ». La betterave représente aujourd’hui une source renouvelable de sucre, d’éthanol et une matière première végétale d’avenir. Cette exposition interactive vous permet de découvrir, à travers huit thématiques, les différentes facettes de cette plante emblématique de Picardie.
Du 24 octobre au 6 novembre – Salle socio-culturelle de Feuquières-en-Vimeu (2 rue du stade 80210 Feuquières-en-Vimeu) (animation scientifique le 5 novembre de 17h à 19h)
• Faites le plein d’infos sur l’alimentation à la Médiathèque de Douchy-les-Mines !
Manger est un des grands plaisirs de la vie. Bien manger, c’est aussi construire sa santé ! Toutes les études scientifiques montrent le rôle essentiel de l’alimentation sur notre santé. L’exposition « A table ! La santé au menu » vous montre comment bien manger, comment privilégier certains aliments et en limiter d’autres, là où bien des maladies sont dues à des déséquilibres alimentaires.
Du 21 octobre au 28 novembre à la médiathèque de Douchy-les-Mines (Place Paul Eluard 59282 Douchy-Les-Mines)
Vous souhaitez vous aussi emprunter l’un de ces outils ? Découvrir le fond d’expositions d’Ombelliscience ?
Lucie Damelincourt : expositions@ombelliscience.fr
Bertrand Prévost : prevost@ombelliscience.fr 03 65 80 14 41
Découvrir les expositions et outils de médiation d’Ombelliscience
© Ombelliscience © Bibliothèque de Douai
Publié le 06 octobre 2025





